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1Monsieur, je loue Dieu qu’il ne s’est presenté grande occasion de vous
2escrire puys votre partement et vouldroys que cela dura longuement. La
3dernière de mes letres n’estoyt que pour accompagner et, comme disent
4les Modernes, accuser la reception d’ung paquet du segneur Ludovic
5que j’ovris, et l’aultre de monsieur de Montoyson, sans ouvrir.
6J’ay doubte si les aurés receu à propos, d’autant que je n’ay veu
7aulcung mandement votre pour les compagnies du baron des Adrestz ;
8si est-ce que incontinant je le feis delivrer au chevaucheur.
9Bien tost après, nous receumes les letres de messieurs d’Argentenant
10et de Catinel avec advertissementz du costé du Valentinoys
11que pour seur ceulx de la novelle opinion s’eslevoyent et qu’on
12se tint sur sa garde. Je ne scay si ceste alarme se refroydit
13ou si elle faict son nid, mais l’on ne s’en est guières echaufé
14en ce lieu, et n’a peu tant valoyr ce bruit de fère retirer
15ung seul home des celiers voysins, ce que toutesfois j’eusse
16desiré. Hier, par l’advis de messieurs les commissayres de
17la police et garde de ceste ville, le cappitaine Curebourse, avec quelque
18nombre d’homes alla, de grand matin, à Domène pour
19desarmer ceulx qu’on doubtoyt. Ilz n’y trovarent aulcunes armes
20et n’y veirent aultre qu’esfroy de ceulx qui pensoient qu’on
21y alla à aultres fins, qui les meut à se cacher jusques
22dans l’Ysere, puys, en fin, voyant qu’on n’offensoyt persone, se
23retirarent toutz audit Curebource et s’asseurarent de toutz poyntz.
24Il m’a rapporté en oultre que, de quarante qu’ilz peuvent estre
25des reliques de ceulx qui ont suyvi ce parti aux derniers
26troubles, il n’y en a plus que doze qui ne soient remis à
27la religion universelle. Est vray que ceste recherche
28dona telle alarme à Columbin, qui estoyt de l’aultre
29costé de l’eau, en sa mayson de Saint-Nazere, qu’il a delogé
30à mon grand regret, car sans cela, ce jourd’huy, après diner,
31il me venoyt trover au Chastelet pour me prier d’interceder
32envers vous et messieurs de la cour pour son asseurance,
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34ce que j’avoys promis au capitaine Bernard fère, qui a esté plus
35sage ; et m’a escrit ce mesme jour qu’il me tiendroyt
36parole, nonobstant qu’il soyt intimidé et espouventé par aulcungs.
37Et en verité, je me suys aperceu qu’il y en a des nostres qui
38en font mestier. Ledit Columbin s’est declaré qu’il retournoyt
39trover mon frère, sur quoy je ne scay que penser, car il m’avoyt
40faict escrire que la cause de s’en estre rennié estoyt que
41monsieur le vibaly de Saint-Marcelin avoyt dit à ung gentilhomme
42nommé le sieur de Golar, avoyr charge de vous d’assanbler les
43commissaires pour l’atraper. Je feis response à celuy qui me porta
44ce propos que cela n’avoyt aulcune apparence de verité et
45que je scavoys assés votre volunté estre toute contrère ; d’alieurs
46que si aynsi estoyt, l’on n’en se feut adressé au vibaly, et s’il
47eut ceste charge, il eust très mal faict de ladecovrir qui n’estoyt
48que l’an dire gare. S’il est aynsi qu’il soyt retiré de rechef
49à Chevrières, je tacheray le fère revenir deçà et sonder
50son intantion pour le divertir de toute desobeissance, car quoy
51que ce soyt, je voys que telles gens desesperés donent prou
52peyne. J’ay veu letres qu’escript monsieur de Chastelard
53à ceulx du païs qui semblent menasser du costé de La Rochelle
54et de l’inconstance des vicomtes qui avoyent faict semblant se
55reduire à l’obeissance de sa magesté. Je ne fays doubte qu’il ne
56vous advertisse encores plus à pleyn. Je vous envoye une letre
57de monsieur de Montfort, seulement à fin que voyés les beaux
58discours qu’on faict à l’italiene du rebourcement de chemin
59de monsieur le cardinal Ursin. Nous avons ce matin decreté quelques
60informations contre ceulx du Gapensoys et voysins de Trièves, mès
61l’exequution sera surçoyée jusques à ce qu’on vous aye faict entendre
62le faict ; et pource que je suys au bout de la page, je la finiray par
63mes humbles recommandations à votre bone grace, priant le Createur,
64Monsieur, vous doner en santé, heureuse et longue vie. De Grenoble, ce XIII octobre 1572. Vostre humble serviteur.
65G Deportes
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67En volant clorre la presente, j’ay receu response de monsieur de La Mote,
68lequel j’avoys prié m’escrire ce qu’il apprendroit des entreprises de
69ses voysins. Il m’a remis à une letre que luy a mandé le capitaine
70Arnaud, dont je vous envoye une copie et l’extraict d’ung chef
71de ce qu’il m’a escript, et non la letre, pour la pouvoyr monstrer demayn
72à messieurs de notre compagnie. S’il y avoyt moyen, ou par doulceur
73les asseurer, ou par force advant qu’il s’atroupent les surprendre,
74j’entens desarmer et se saysir d’une demye dozeyne des
75plus seditieux, ce seroyt peut-estre obvier à plus grand despence
76et mal.
77Ce Saynct-Maurice dont est parlé en la letre du capitaine Arnaud, est l’ung de
78ceulx qui se treuvent chargé par l’information par nous decretée d’avoyr, en pleyn
79marché, volu susciter ceulx de son parti à prendre les armes et s’elever
80et que volons nous attendre qu’on nous tue.
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